Les impatiences d’automne
Où gisent des feuilles et FedEx, sèchent du linge et le fantôme d’une averse.
Je signe.
Mardi 27 août 2024, 16 heures 24
L’été réside là, baies vitrées au salariat grandes ouvertes, une libellule s’invite et un hélicoptère trouble ma lecture. Je bois un thé de Noël, écoute la rumeur du trafic. C’est fou comme mon petit Terrier étant au cœur du quartier historique et majoritairement piéton, le bruit des voitures est une nuisance. Ça me parait insupportable, alors que cinq étages au-dessus de ce boulevard pas si fréquenté à cette heure, on a connu probablement pire.
La bouilloire en route, je prends le temps d’être fatiguée, tiens mes contours et ma tendresse, élabore des douceurs pour cet ami flou et précieux. On se cherche et s’éprouve. C’est remuant, avec toutes les nuances que ça laisse imaginer. Se vivre en bleu nuit et suspensions du monde. Je lui écris que je respire son doux de joue, et c’est le sentir.
Je tiens pourtant, papesse, mon royaume et mes heures, fais ma vie comme on fait feu.
Mon corps se défragmente d’étranges douleurs. Je tire sur ma queue de cheval pour pour voir combien de cheveux en tombent. Pas tant. J’attends l’automne pour l’inquiétude.
Bientôt, la saison pour Gilmore girls (si je m’autorise à payer Netflix, folie !)
Mercredi 27 août 2024, 20 heures 12
Robe comme fumée du jour cuisant, masque sur le visage et tendre rayé dans la cour, figé dans une élégante petite session de toilette par le passage d’un oiseau à l'air tout à fait croustillant.
J’ai noté donc, des librairies nantaises, cette papeterie que j’adorais quand elle avait une boutique ici. Je ne regarde pas, si le muséum a des squelettes de dinos : je me garde la surprise, d’un ravissement ou d’un scandale. J’ai noté, lui, et je trouve ça joli.
Évidemment, Jess, qu’est-ce que vous croyez.
Vendredi 30 août 2024, 8 heures 57
Où étais-je, cette semaine ? Je goûte des stress et regarde le temps m’être soustrait. Je compte les heures avant de retrouver mes travaux. C’est probablement ça, la plus grande source d’angoisse : ne pas avoir pu avancer sur ce que je voulais construire, parce que le salariat, long et engluant. Pourtant, j’ai vu, le nouveau sticker créé, les projets ordonnés, les lectures, les notes, les idées, les commandes prêtes à être passée.
Intermède : collègue chat noir qui se glisse dans mes bras.
Reprenons donc. Reprenons quoi…
Je note de nouvelles choses sur ma liste, là, à réfléchir, qu’il me faut aussi remplir la boîte à petits goûters et celle à tremplins, cette petite boîte où je glisse des choses aussi décadentes que des Happy Hippo et des Kinder Country. Je prends mon souffle, mon temps, pour aiguiller les prochains jours. Lessive, livraison, courses, linogravure, fournitures, confections, Patreon, écriture, lectures, notes, rester hydratée, oui, rester hydratée, quelle affaire. Je découpe, arrange et étends doucement, il s’agit de ne pas se terrifier, se perdre ou se brûler. Reprendre pied vite et s’élancer. Se déployer. S’il n’y a pas de date à mes projets, il y a la peur de manquer du temps de vie et de floraison. La peur de ne pas vivre assez, de ne pas construire, pas créer, mal exister.
Respirer doucement, en comptant.
Regarder le ciel gris prendre la cime des arbres.
L’automne arrive et je compte sur lui, les jours de pluie avec la radio, les bricolages. Thé fumant et peinture sous les ongles, il s’agira de faire depuis mes plaids des mondes que je ne sais pas encore.
Liste des impatiences d’automne
Les crêpes du dimanche - le réconfort de la petite laine du soir - le bruit de la pluie - avoir des bruits de feuilles préférés - les premières soupes - accumuler les plaids - boire des thés qui sentent le sous-bois - brûler une bougie qui sent October - m’endormir avec des chaussettes - lire dans la nuit qui tombe tôt - réchauffer mes mains autour d’une tasse - caresser les toutous un peu humides dans la rue - la brillance parfaite des marrons - les rues plus tranquilles après l’été plein de touristes - orange marron ocre kaki rouge, les couleurs qui prennent feu - les fruits d’automne, kaki en tête - les tartes aux pommes - les promenades qui rendent les joues fraîches - les écharpes qui débarquent puis grimpent de plus en plus, jusqu’au nez rouge - …
Samedi 31 août 2024, 16h07
J'écris de la laverie et du mal de ventre. Je dois gérer le stress d'une livraison de marchandises qui se passe mal, ou en tout cas qui ne se passe pas, je suis frustrée, stressée, angoissée, inquiète : saoulée. J'ai envie de pleurer.
L'attente est en prime une affaire que je ne gère pas très bien. Incapable de mener des tâches en parallèle, j'ai lu et rafraîchi le suivi de livraison, jusqu'au détestable "La livraison n'a pas abouti". J'aurais pu écrire, ranger, avancer des travaux, confectionner, mais non, non car l'attente, la suspension, qui se termine par... ça.
Je regarde les voitures passer, et soudain, félicite, un bébé teckel et un corgi, qui finalement sont ensemble, petits potes.
Je regarde, mais en fond, toute cette mécanique, ces affaires, et me dire que cet aspect-là de la Ty Miaou Corporation est bien difficile, lourd et terrassant. C'est chronophage et détestable.
Si je devais dessiner ma journée idéale dans ce travail, ce serait évidemment tout sauf ça, et je me souviens d'un article sur le temps d'une créatrice. Administratif, service clients, compta, communication, etc. : la création vient en dernier, et saute souvent. Alors il faut le cœur et le ventre bien accrochés pour gérer ça. Faut se tenir, respirer. Et avoir une boite à goûter fournie.
Je m'interromps pour un autre mail, le SAV de la boîte à qui j'ai passé commande, au cas où. J'ai mon livre dans les bras, pas lu une page là, dans le ronron des voitures, des machines à laver et à côté de cet homme en sandales étonnantes mâchant TRÈS énergiquement un chewing-gum.
Je l'entends expirer. Pas respirer non, juste expirer, souffler par ses trous de nez efficaces, pas là seulement pour pianoter sur ton portable en attendant la fin de sa machine, non. J’ai été cette semaine encore plus sensible aux bruits. J’aimerais que ça tienne plus du pouvoir magique que du manque d’adaptation à la vie terrestre.
18 heures 28
J’ai plein de choses à faire donc, évidemment. Je regarde mes culottes sécher dans le soir tranquille, dois encore écrire, planifier le mois puis demain, écrire un article pour Patreon. Eh, dites, on dit qu’on se quitte là, non ? Je vais mettre cette dramatique robe que j’appelle « Mon boubou de Dinard », bien trop grande et bien trop rayée façon cabine de plage, et zou.
Cher jour,
Je ne sais pas quoi nous souhaiter, septembre là. Du thé toujours, des livres évidemment, des feux qui font réconfort et énergie. Le foisonnement des idées et des intelligences, c’est bien ça, puis les crêpes, les promenades. Je me demande ce qu’on peut souhaiter pour une nouvelle saison encore impossible à étreindre vraiment, nuque chaude et robe légère, mais rêvons, rêvons,
tant qu’il nous reste des dimanches…
Je signe aussi deux fois pour cette cabane isolée entre forêts et rivière. Le calme et le doux bruit du vent dans les feuilles de septembre.
La gestion, les angoisses, les frustrations... l'incapacité à pouvoir penser à autre chose que ce gros cailloux que tu as dans ta chaussure et sur lequel tu n'as aucune possibilité d'intervention, hormis l'attente. Toujours trop longue. Je sais. Mais je sais aussi que la solution viendra ! Courage 🧡
À défaut de cabane, vivons un septembre où se faufilent tous ces débuts d'automne, ces douceurs et ces chaleurs. 🍂
& un shot de courage pour toute cette gestion (ceS gestionS) autour de ta petite entreprise, ça n'est pas rien...