Bif-bof & périnée engagé
Où je trouve qu’avoir une existence en ligne est compliqué, marche dans un Monoprix digne d’un film de zombie et rentre mon nombril vers ma colonne.
Lundi 10 mars 2025, 11 heures 37
La journée d’hier était bif-bof, ce que mon correcteur transforme en « big bof » : pas tant, mais quand même. C’était lié assurément au ciel gris, beaucoup au fait que c’était l’anniversaire de cet ami flou, et un peu à ici. Alors j’ai pris l’air, pensé à notre beauté, et supprimé le mail automatique qui donne des statistiques, de type mon post a été ouvert par 29% de mes abonné•e•s, j’en ai perdu 5 non-payants, 2 payants, et bonne journée bisous espèce de nulle. Alors que plein de gens d’Instagram arrivent sur Substack en clamant qu’ils découvrent un eldorado de sérénité, gâchant ainsi mon bonheur d’être tranquille dès la page d’accueil (on peut publier des espèces de statut ici, des notes, comme sur un réseau social, et ça me désespère), la joie d’expérimenter ici s’étiole. Partout, sur chaque espace d’internet, je suis une ratée, qui gesticule dans le vide.
Ma vie est banale. Je n’y peux rien, c’est comme ça. Je ne la mets pas en scène, alors ça lasse. Évidemment. Je n’aime rien tant que lire, rien faire aussi, être toute seule et tranquille. Je n’ai pas de newsletters sur la créativité, la nourriture, la maternité, la politique ou que sais-je. J’écris, je ne prêche pas. Je n’ai pas d’argent, donc pas de quoi faire de belles photos, ni de belles choses à photographier, d'ailleurs je n'en ai pas envie, de donner encore plus, toujours. Le voyage, le ciné, le restau, ce ne sont pas des sujets de partage pour moi, je ne comprends pas, plus, comment on peut vivre autant nos intimes en public, ou en tout cas qu’on les banalise, puis ce sont au pire des fantasmes pour moi (partir en va-quoi ?), au mieux un exceptionnel que je couve jalousement. Les réseaux sociaux ne sont pas faits pour les pauvres. Pour avoir une popularité, ou au moins que les gens qui te suivent te lisent, il faut avoir quelque chose d’enviable, quelque chose de consommable. Il faut avoir l’argent pour expérimenter des choses à partager ensuite. J'existe sans en faire vitrine, n'ai pas l’argent ni l'envie qui permettraient d’échafauder des mirages. Au-delà de ça, il y a pourtant des attentes. Des gens attendent de moi de la disponibilité, de l'écoute, de l'affection, de l'amitié, et quand je ne comble pas ces besoins, il y a des répercussions (désabonnement, désabonnement d'ici ou de Patreon et donc sanction financière, ton passif-agressif quand je retire moi-même la personne de la liste de mes abonnées, besoin de réassurance). Je ne me retrouve plus surtout dans Instagram à cause de ça. Je ne compte plus le nombre de choses intimes que j'ai lues alors que je ne le voulais pas, les vocaux imposés, les confessions non sollicitées. Et au-delà de ça, il y a ce pillage permanent, cette frénésie à regarder, regarder, regarder, avaler une soupe indigeste de dizaines de publications par jour, sans jamais trouver satisfaction, et rarement relever du “social" de “réseau social". C'est encore une façon de nous consommer, de faire d'existence individuelle un service. Pour le moment, ma seule solution est l'absence. Et ça me repose énormément. Je n'ai plus à répondre à qui que ce soit, me creuser la tête pour trouver des mots, m'en vouloir de juste mettre un emoji, m'en vouloir d'être trop sauvage, probablement chiante.
J’ai de belles choses, mais je ne les photographie pas. Je ne scelle d’ailleurs plus grand-chose d’une pression du doigt sur le bouton sur mon téléphone. Ce dernier est toujours autant délaissé. La batterie me dure des jours, réjouissance. Dans mes belles choses se tiennent le Terrier adoré, 12m carrés pas enviables, le chat dodu que j’aime d’être mon ami qu’à moi. Je porte des couleurs et des motifs, la simplicité claire et chevillée au cœur. Je porte des choses moins ragoûtantes, l’envie, la jalousie, le chagrin. Je n’ouvre ces pans que si je le souhaite, alors oui, ça peut tourner autour des mêmes affaires, ici. Si vous cherchiez du feu, de l’aventure et des dragons, oui, la déception. Si vous cherchiez quoi que ce soit, la déception tout court : le capitalisme nous a trompé, on ne sait plus prendre ce qu’il y a. Simplement. Comme ça. Comme une cueillette.
J’existe humaine et désastreuse, désastreuse car humaine. Je n’ai pas plus de fleurs à vous offrir que les bouquets disposés ici et là, sauvages, imparfaits, mités parfois, foisonnants d’autres.
Voici donc des fleurs, littéralement. Des fleurs dans lesquelles barboter.
Depuis quelques temps, je bois. Pas de grandes rasades de Bourbon, mais de l’eau. Trois gourdes d’eau par jour, zou, car j’ai enfin appris la vérité sur le « Ça n’hydrate pas » que je ne comprenais pas : le thé et certaines tisanes agissant comme un diurétique, on finit déshydraté si on ne boit que ça. Et comme j’ai connu un hiver aussi réjouissant qu’un frottis à la cuillère à pamplemousse, que j’ai enchaîné les maux de tête et que j’ai toujours été anémiée : mollo sur le thé. Deux tasses par jour, à distance des repas. Je bois donc une tisane au petit-déjeuner, ça ressemble à une retraite de yoga chez les granos. Je bois des tisanes après manger aussi, sans rien ou presque, les quatre carrés de chocolat décadent journaliers étant devenus un carré de sobre chocolat noir le midi. Quand je disais, que je faisais super attention ces derniers temps car la dépression, je ne blaguais pas. L’endormissement à 21 heures 30 et autres joyeusetés, c’est radical mais efficace, j’en sens les effets et ça me rassure. Il y a quelques semaines, j’étais rentrée chez moi et m’étais dit « Si je voulais, ça pourrait s’arrêter. ». Alors franchement, les efforts quotidiens, ils n’en sont finalement pas, encore moins quand je vais donc vous confier cette affaire de fleurs et de joie.
Quand c’est la sacro-sainte heure du gou’thé, je dégaine parfois une boisson de mon invention qui m’apporte un réconfort inouï : le latte à la camomille. Si vous attendez des proportions, vous allez être déçues, mais écoutez, allons-y. Je fais chauffer du lait d’avoine car c’est le meilleur pour ça, je ne veux rien savoir, naturellement sucré et mousseux à souhait. Si d’ailleurs vous avez un mousseur à lait, allez-y (chanceuses). Je jette dedans une fois qu’il est chaud de la camomille, un peu de lavande (doucement, vous ne voulez pas que ça sente la savonnette de mémé, votre breuvage), de la fleur d’oranger (les fleurs pour moi, mais l’hydrolat fonctionne aussi)(oui, j’aime la fleur d’oranger, je suis de cette team-là). Je filtre, petit coup de cannelle sur le dessus, et tadam ! C’est doux, réconfortant, et sans théine.
Mercredi 12 mars 2025, 10 heures 46
Le jour est salarié, un petit paquet de sablés Moulin du Pivert « Équilibre » à la noisette (allez-y, ils sont bons) dans la besace (comprendre l’énorme sac à dos North Face qui me fait ressembler à un petit livreur débonnaire), avec des livres, et une mission : aller peut-être acheter d’autres Gerblé pendant l’heure vide de l’après-midi. Peut-être car c’est en concurrence avec la bibliothèque, mais aussi terni par le fait qu’il y a plein de gens, et que les gens, comme ça, je dirais : Mouais.
Une autre mission me retombe soudain dessus : trouver le nom du papillon que j’ai pu observer au parc dimanche matin. Il avait du parme sur les ailes. Du parme ! Une brève recherche m’apporte l’info : le type était un Paon du jour. Sacrée dégaine. Je l’ai observé de longues minutes, dans un buisson du parc relativement peu intéressant puisqu’il est juste devant la roseraie et pâtit donc d’une forme d’impatience.
Dimanche était donc finalement beau de ce papillon, beau tout court car le soleil, celui berce après l’hiver chagrin, celui qui réconforte dans la peine. Aujourd’hui est gris et froid, et je le prends comme un affront. Un temps à bien garder son écharpe jusqu’au nez, à ne pas trop contempler le ciel pour ne pas y perdre un ou deux espoirs. J’ai préparé la cour au printemps, arracher la menthe invasive et les aillets survoltés. J’ai retourné la terre, note ce que je voudrais y mettre. Je suis prête. Prête à toutes les floraisons.
Je guette le soleil pour m’y lover.
Jeudi 13 mars 2025, 17 heures 11
Laissez-moi vous conter, la panne d’électricité qui a plongé hier le Monoprix dans le noir et fait de l’expédition vers le rayon des Gerblé une expérience. J’attendais une attaque de zombies, une voix de méchant dans un micro, ou pire, dans nos têtes. On se serait tous regardé, affolés, et hop, générique de notre série. Mais non. Rien. Plus un bruit. Le silence. Le noir. Et donc pas de biscuits puisque, connerie, payer était impossible et filer avec le stock pas envisageable. Ce que les gens ont l’esprit étriqué... La galerie marchande était elle aussi plongée dans le noir, j’ai filé dans un autre petit supermarché pour récupérer mes précieux, ouf, et j’ai découvert ce matin que jusqu’à ma rue, il n’y avait plus rien. Ce qui a peut-être expliqué pourquoi hier soir, alors que je rentrais et me disais que j’allais sortir mon tapis de yoga et de la musique douce, j’ai découvert que je n’avais plus internet, signant alors mon grand voyage vers le service technique Orange.
Une heure et demi. Une heure et demi sur le chat avec un technicien, à débrancher et rebrancher, répéter que non, ça ne marche pas, que non, je ne peux pas faire cette manipulation car je n’ai qu’un portable, ni celle-ci car je n’ai pas d’ordinateur. Une heure et demi. Une heure et demi pour en remettre une couche ce matin en boutique, découvrir que la box est grillée, rentrer appeler le SAV pour qu’on m’en envoie une autre, que je vais chercher demain… à la boutique où j’étais ce matin. Oui. Je sais. Mon héroïsme intimide.
Le premier truc que je me suis dit en me couchant après une soirée silencieuse, chaotique et absolument pas comme je l’espérais, c’est que ça allait être difficile de faire mon Pilates. Eh bien finalement, sur mon tout petit écran de téléphone, j’ai pu suivre le cours, tenant à mon étonnement : j’étais donc d’abord embêtée pour ça. Embêtée à l’idée de ne pas pouvoir faire du sport comme je voulais. Mais encore apaisée par la pratique, là, tranquille et calme, je comprends pourquoi.
La précision. Le souffle. La concentration. Le Pilates est une discipline qui privilégie la qualité à la quantité. Il ne s’agit pas là de répétitions sans fin, d’impacts trop lourds, d’essoufflements. Il s’agit de faire, de chercher, d’assimiler, d’appliquer, d’essayer. J’aime particulièrement voir que de séance en séance, le placement dans certaines postures se fait plus sensible. C’est parfois infime, le bassin qui bascule de quelques degrés, les bras qui s’abaissent, l’extension toujours plus longue. C’est comme ça que je découvre que tel exercice est désormais plus engageant, que telle variation m’est maintenant accessible.
J’ai là la peau encore fraîche du dehors et du repos du Pilates donc, les abdominaux pas douloureux mais existants, la marche un peu entravée par des courbatures plus nettes aux adducteurs. J’ai le corps. Mon corps.
Peut-être que c’est souvent ça qui m’a manqué, quand je faisais du sport plus jeune. Une bonne raison. Je faisais du sport pour corriger, dompter, et il faut le dire, martyriser, rentrer dans un moule même pas atteignable, quitte à être malade ou fatiguée. Je courais sur de la douleur, de l’ennui, à 5 heures du matin ou sous la pluie. Si j’avais su que bouger, c’était d’abord s’écouter, puis se rencontrer, je me serais débarrassée de beaucoup de choses bien plus tôt.
Heureusement, dans la vie, on a le temps.
Miscellanées :
Essayez donc le Pilates vous aussi avec ma coach préférée (j’ai presque terminé de rattraper tous les live dédiés sur sa plateforme, je suis fière de moi).
Je découvre en vous mettant ce lien qu’elle a sorti une vidéo abdos, et je réalise que je ne rechigne pas en faisant du Pilates à me plier à ces exercices. Longtemps objet de haine, mon ventre faisait que travailler le fameux centre, la célèbre ceinture abdominale, était une petite angoisse.
Il fait de nouveau un froid polaire, je continue de trouver ça très exagéré, et même franchement scandaleux.
J’ai revu Alerte Rouge (sur Disney+), ça m’a mise en joie.
Outre le fait que j’aime la fleur d’oranger, j’aime donc aussi la coriandre, le fenouil, l’anis, la réglisse et autres joyeusetés. Je suis aussi facile que ça. Et probablement à coller sur un bûcher, donc.
Pensez à faire votre cure de magnésium et autres compléments de changement de saison.
Et à boire de l’eau.
À tenir aux dimanches, aux heureux et aux tristounets, tant qu’on peut,
Tant qu’il nous reste des dimanches.
Je te rejoins sur le bûcher de la coriandre, de l'anis, du réglisse et du fenouil, et de toute ces choses finalement pas si banales, ces saveurs qui parfois sauvent du banal, justement.
Pas banal non plus, les motifs et les couleurs. Les mots et les expérimentations florales et viscérales.
Le social, dans ton contenu, est dans le partage que l'on s'offre, toutes. Et ça c'est beau, c'est digne, et surtout c'est authentique.
Tchin de latte camomille, de Gerblé respectables et enfouissement dans les pages de McEwan.
✨
Ce latte camomille en interpelle plus d'une ! C'est digne d'une invitation à la découverte collective 💛
A nos vies banales (qui n'en sont pas du tout) 🥂 (oui trinquons avec du latte camomille parce que qui nous en empêche ?)